vous êtes sur la page : Portail > ecriture > an_1967

1967, des cours de catéchisme très particuliers

 

Notes de l’auteur, moi…

Notes écrites fin août 2011

Après avoir fini d’écrire, le jeu de mots est intéressant, car j’ai plus eu l’impression de descendre dans la bassesse que d’aller dans l’hauteur.

L’évènement que je relate, mon vécu à 10 ans, était celui que je cherchais depuis plus de 20 ans. Je ne savais pas ce que je fouillais, mais les signes qui sont remontés lui correspondent : rêves, images brutales, flash-back, sensations corporelles, dessins, visages, évènements…

Des évènements vécus très douloureux ont commencé à faire remonter de plus en plus d’images jusqu’au dessin du 04/06/2011 qui m’a permis de reconnaître la salle où je faisais le catéchisme et la présence de 2 personnes. Celui-ci a été complété par celui du 07/06/2011 qui m’offrant des vêtements à sécher me donnera un point d’entrée.

C’est le retour en mémoire en juillet 2011 des évènements vécus au camp d’adolescent en 1971, qui ont ouvert la porte.

Pour plus de précision, voir les notes de l’auteur de l’évènement de 1971.

Ce texte a été remis en forme à partir de l’écrit manuscrit complété progressivement par différentes actions.

La première partie, décrivant plus le lieu et le moment, est remontée progressivement après la remémorisation de l’évènement de 1971. Une deuxième partie est arrivée assez rapidement durant les nuits, mais a été écrite bien après. Une troisième partie est remontée violemment le 28 août 2011 à 6 h du matin. J’étais en larmes et je me suis obligé à écrire rapidement ce qui sortait. Même la recopie du brouillon m’a été difficile et douloureuse. J’aurai voulu que tout cela soit faux.

Ces trois parties seront complétées, par les informations orales fournies par ma mère en août 2011, par des remontés de souvenirs nocturnes provoqués par des séances d’EMDR avec une psychologue (du 26 septembre 2011 à juin 2012), une cure au C.A.L.M.E. d’Illiers-Combray du 3 avril au 1 mai 2012, un stage de Tai Chi Chuan à la presqu’île de Crozon du 21 au 28 juillet, ou suite à diverses expériences personnelles [le texte sera en rouge, avec la source indiquée entre crochets] ou lors de cette réécriture [texte en vert].

Ce qui a été écrit n’a jamais été remis en question par les remontées de souvenirs, mais affiné et précisé.

Ce texte est brut et peut déranger des personnes sensibles. Un jour peut-être, ferais-je l’effort de l’adoucir comme celui du camp d’adolescent en 1971. Il a été engagé après ce dernier et je me suis obligé de l’écrire pour l’accepter moi-même ou pour l’offrir à tous ceux que j’ai blessés, parfois durement, sans que cela en soit mon intention.

Je le place maintenant sur mon site Internet pour témoigner de mon vécu, de mon combat pour y survivre et pour indiquer à d’autres qu’il existe une sortie de tout cela.

L’écrire comme témoignage me permet de le ranger maintenant correctement dans ma mémoire, de quitter la survie et la guerre, pour enfin passer à la vie et la paix. Il me reste à poser les armes et à me retrouver.

La forme du texte d’origine n’a pas été changée, afin de conserver les mots que j’avais choisis lors des remémorisations de cet évènement. Les lieux et personnes ne sont pas cités volontairement. Je ne peux plus porter plainte et donc il n’y aura pas de jugement. Pour m’éviter des problèmes, je préfère m’abstenir de placer des indications qui ne changeront rien de toute façon. 45 ans de souffrances, c’est déjà, pour moi une condamnation suffisante pour un crime dont je ne suis pas coupable qui plus est.

Gilles

Dernière mise à jour le 22/01/2013, ajoutés social 1, déplacé TCC 3

 

I – L’acceptable

II – Le doute

III – L’inadmissible

IV – Et après

V – Et la communion eut lieu

VI – Et les jours, semaines suivantes

VII – Des traces dessinées, 23 ans après

Comment est revenue la mémoire

 

 

 

 

 

 

 

 

I – L’acceptable, fin juillet 2011

 1967, j’avais 10 ans. J’étais sur la place où il y a l’église de ma commune.

Je ne me rappelle plus pourquoi j’étais là. Étais-je venu pour un cours de catéchisme, un jeudi ? Étais-je venu chercher quelque chose, pourtant il n’y avait pas de magasins. Étais-je venu voir quelqu’un, je n’avais pas de copain qui habitat par là.

J’y étais et j’étais seul. Je pense que c’était le matin. Le ciel était sombre et un orage menaçait. Il finit par éclater. La pluie tombait à verse, et n’ayant pas pris de vêtements de pluie, je me suis retrouvé trempé.

Je recherchais où je pouvais aller, ou j’y suis allé directement ( ?). Je frappai à une porte rassurante et connue, celle du presbytère où l’on faisait le catéchisme. J’attendis un peu, puis un prêtre est venu m’ouvrir. Il était assez grand, plutôt mince, 30 à 40 ans, vêtus de ses habits civils : pantalon noir, tricot et veste noires, petit col blanc et une croix dorée sur le rebord gauche de sa veste.

Il me sourit et m’appela par mon prénom. Il me fit entrer en me faisant remarquer que j’étais trempé. Je n’arrive pas à voir si je suis entré dans la grande pièce immédiatement ou dans une petite intermédiaire, j’ai l’impression d’avoir passé deux portes et de revoir une petite pièce sombre.

Je pénétrais dans une pièce plutôt longue. Une armoire était à droite de la porte, deux fenêtres obscurcies par des rideaux fins donnaient sur l’extérieur. Une grande table ancienne et longue occupait le centre de la pièce. Un vieux banc à dossier était appuyé sur le mur opposé aux fenêtres. De vieilles chaises comblaient le pourtour de la table. Sur celle-ci un napperon était posé au centre.

Au fond de la pièce, un vieux poêle la réchauffait. Au-dessus, un fil était étiré et dans un vieux fauteuil était assis un autre prêtre, plus âgé.

                   

Il avait une ressemblance avec mon oncle Jeannot, un visage rond et une corpulence grassouillette. Il était en chaussons et recouvert d’une robe de chambre très épaisse d’un style ancien, au col large.

En me voyant entrer trempé, ils me proposèrent de retirer mes vêtements et de les mettre à sécher sur le fil, en m’expliquant que je risquais d’attraper le mal en restant mouillé.

Ils étaient gentils, agréables et je les connaissais. Je prenais les cours de catéchisme avec eux.

J’enlevai mon pull et leur donnait. Le grand l’accrocha sur le fil, l’autre me proposa de donner mon pantalon qui était aussi mouillé. J’enlevais mes chaussures et chaussettes qu’ils placèrent près du poêle et sur le fil.

J’étais devant eux en slip et tee short. Ils restèrent à me regarder, puis me demandèrent si le reste n’était pas mouillé. Je leur ai dit que cela pouvait aller. Ils insistèrent un peu et me dirent d’enlever le tout et qu’ils me proposaient une couverture.

J’hésitais, puis le vieux soulevant mon tricot m’aida à l’enlever. Le jeune partit chercher une couverture et la posa sur le banc. Le plus âgé se rassit dans son fauteuil et m’approcha de lui. J’eus une gêne, mais ses paroles gentilles m’amadouèrent. Je me laissais m’approcher. J’étais face à lui.

Il me regarda puis posa ses mains sur mes hanches, puis sur mon slip et me dit que celui-ci était, quand même, mouillé et qu’il valait mieux que je l’enlève. Il attrapa l’élastique et fit glisser mon slip le long de mes jambes. Le jeune le mit à sécher et me posa la couverture sur les épaules.

Je restais là, face au poêle, regardant le sol, et les deux prêtres restèrent un moment silencieux. Je sentais leur regard sur moi et j’essayais tant bien que mal de m’envelopper dans la couverture pour cacher mon corps. De temps en temps, ils se lançaient des regards complices.

Il se passa pas mal de temps dans ce silence. Je frissonnais plus par gène que de froid. J’étais seul avec eux et quelque chose me dérangeait. Le jeune disparut un moment de la pièce et je restais dans le silence avec le plus âgé. Il me regardait, mais ne disait rien.

 

II – Le doute, mi-août 2011

Il me proposa de m’asseoir sur ses genoux et de frotter mon dos pour me réchauffer. J’étais réticent, mais une de ses mains maintenait une pression douce, mais ferme pour m’attirer à lui. Lorsque le jeune entra, je fus comme aspiré et m’assis sur les genoux du plus âgé. Ses mains m’enveloppèrent immédiatement et commencèrent à me frotter partout; d’abord le dos, puis la poitrine, et passa sur mes jambes. Passant sur toutes ces zones de mon corps, de temps en temps, il effleurait mon sexe, se glissant sous la couverture.

Je n’osais plus bouger. « Ta maman devait aussi te frictionner quand tu avais froid ou sortais de l’eau ! » me dit-il. Je ne répondis pas, plus inquiet de répondre à côté.

Ses frottements devinrent caresses, insistant de plus en plus sur mon entre jambes. Le jeune avait un regard inhabituel, allant de moi au vieux, et s’arrêtant de plus en plus longtemps sur mon corps. Ils me parlaient en même temps de religion, de mon enfance, comme si ce qu’ils faisaient était normal.

Le jeune s’approcha de moi et me parla. En quelque sorte, il complétait ou affirmait dans le sens du vieux. Je ne répondais pas, j’étais perdu, pas inquiet, mais ce qui se passait n’entrait pas dans ma logique, me donnait le vertige.

Pendant que l’âgé continuait ses caresses, le jeune me prit la main et l’amena à son sexe dressé qui était sorti de son pantalon. Je ne sais pas ce qu’il me dit, mais il m’amena à le toucher, à le prendre à pleine main. Je ressentais mon corps transpirer anormalement, mais sans comprendre pourquoi.

Dans leurs dires j’avais l’impression qu’ils m’expliquaient la différence entre le sien et le mien qui était maintenant visible, la couverture étant de plus en plus ouverte. Celle-ci finit d’ailleurs par tomber, me laissant nu sur les jambes du vieux, ses mains circulaient partout.

Le jeune tout en parlant s’approcha de moi. Il m’amena à mettre les deux mains sur son sexe. Il continua d’avancer, son sexe touchant mes lèvres. Mon regard cherchait un appui extérieur qui n’existait pas. Ma respiration était plus rapide, plus chaotique.

Je ne sais pas pourquoi, ni à cause de quoi, j’ouvris la bouche et son sexe y pénétra. {L’intérieur de ma bouche prend par moment une forme circulaire, comme si un tube l’obligeait à être ouverte, y était glissé, la mâchoire très étirée. Un besoin de faire sortir avec la langue s’y ajoute.}

Les mains du vieux étaient toujours sur mon corps et sur mon sexe. Je ne sentais plus sa robe de chambre sous moi, mais sa jambe nue.

 

III – L’inadmissible,  28 août 2011  6;00, les séances EMDR, le CALME et un stage de Tai Chi Chuan vont compléter cette partie.

Le moins âgé m’entre son sexe dans ma bouche. J’essaie de l’empêcher avec mes mains, mais il me prend la gauche et m’oblige à tenir son sexe. Le plus âgé m’attrape la droite et la place sur le sien. Je sens sa cuisse sous mes fesses. J’essaie de résister, mais je n’arrive à rien. Une panique s’empare progressivement de moi. Ce qui se passe m’échappe totalement et mes mouvements sont entravés. [EMDR 5 du 04/01/2012]

Le plus jeune me bloque la tête et son sexe vient taper au fond de ma gorge. J’ai des spasmes comme l’envie de vomir. Mes mains sont tenues, ma tête aussi. J’ai l’impression que je vais étouffer, que ma vie va se finir comme ça. Je ne peux même pas appeler au secours. Tout me semble aberrant. Ma tête semble chercher une solution à pleine vitesse, mais rien ne vient. Aucune idée, il n’y a qu’eux et moi et ils me tiennent. Quel que soit le mouvement que j’essaie de faire, il est immédiatement entravé. Plus d’issus, la panique m’étrangle. Mes yeux tournent dans tous les sens dans leur orbite, comme si je pense encore avoir une sortie. [EMDR 5 du 04/01/2012]

Quelque chose de visqueux se colle brutalement au fond de ma gorge, sur la langue, le palais. J’essaie de reculer, mais je suis bloqué et cela sort encore. C’est collant. Je n’arrive pas à avaler et je ne peux le recracher. Ma bouche est pleine. Je tousse. Ça déborde par le côté. Je voudrais vomir, mais il ne sort pas et cela reste englué au fond de moi. L’impression que je ne vais plus m’en sortir m’écrase. J’appelle mes parents par la pensée, mais rien ne change, rien ne bouge. J’ai l’impression d’hurler leur nom, celui de ma mère, de mon père. Mais rien. [EMDR 5 du 04/01/2012]

Il sort. J’espère ! Ma langue fait plein de mouvements pour rejeter, mais c’est comme si c’était plaqué, comme si j’avais la gorge engluée. L’angoisse revient, plus forte encore. L’odeur qui circule dans mes narines m’est inconnue et désagréable.  J’ai des trains de spasmes et je n’arrive pas à avaler. Ma gorge est serrée. J’ai des hauts le cœur. Je cherche à respirer, mais je me sens tomber en moi-même. J’ai peur, comme jamais j’ai eu peur. [EMDR 5 du 04/01/2012]

Le jeune me retourne, l’autre m’attrape les deux mains avec une des siennes et tous les deux me poussent sans violence, mais avec une fermeté qui m’entrave et me mène vers le sexe du vieux. Je ne sais presque plus où je suis. La panique s’empare totalement de moi et j’hurle à nouveau le nom de mes parents, de mes frères, mais aucun son ne sort de ma bouche. Mes mouvements sont désordonnés. [EMDR 5 du 04/01/2012] Je n’arrive toujours pas à me dégager la gorge et surtout le fond. C’est comme si tout l’intérieur était pris dans des filaments collants.

[Social 1, décembre 2012]  Je prends, pour la première fois,  conscience de l’aspect physique du vieux. Il devient repoussant, répugnant, horrible. Tout en moi sait ce qui va m’arriver et le voir m’amène un haut-le-cœur, un violent dégoût. Son visage rougeaud, bouffi, avec des bajoues, des dents abîmées, son corps petit, gras, adipeux s’approche de moi. Ses mains gonflées, crochues me saisissent la tête. Ses yeux débordant d’une expression inconnue ne me lâchent pas. Je ne vois que ses plis, ce vomi de chair abjecte qui s'avance.

Le plus âgé me place son sexe dans la bouche. J’essaie de me débattre, mais je n’ai plus de force. Ils sont tranquilles et fermes. J’ai comme une peur panique. Tout mon corps tremble. J’ai l’impression de tomber dans le vide, d’être pris de vertige…

J’essaie de bousculer, de dégager mes mains, de pousser sur mes jambes. Mais je ne peux rien, son sexe est dans ma bouche et au fond de ma gorge, j’ai toujours ce truc adhérant que je n’arrive pas à avaler. Je vois mes parents, mais ils ne font rien. Ils ne viennent pas ! Je vois mes frères, mais ils ne font rien. Ils ne viennent pas. J’appelle mes grands-parents, je les vois, mais eux aussi ne viennent pas. Je crie dans ma tête. Je pleure dans mes yeux. Je les vois, mais ils ne viennent pas. Pourquoi ? Qu’ai-je fait ? [EMDR 5 du 04/01/2012]

Je ne sais pas ce que fait le jeune. Mon attention le cherche. J’oublie mon appel au secours. Je dois le retrouver. J’ai peur de lui, de cette absence, mais je n’ai pas oublié le plus âgé. C’est comme si j’avais plusieurs moi qui fonctionnaient ensemble et dont je suis conscient. Je suis plein de morceaux, tous vigilants en même temps :

·       Je suis dans mes mains qui essaient de trouver une faille pour se dégager des siennes.

·       Je suis dans ma gorge qui essaie de se débarrasser de ce qui colle.

·       Je suis dans ma bouche où avec la langue j’essaie de bloquer ce sexe qui n’arrête pas de bouger. J’essaie d’ouvrir le plus possible les mâchoires pour ne pas avoir mal.

·       Je suis dans le vieux dont je recherche une faille d’équilibre.

·       Je suis dans mes jambes qui essaient de trouver une position me donnant assez de force.

·       Je suis sur le plus jeune en essayant de savoir où il est, ce qu’il fait. Il me fait peur. Il dégage quelque chose de sadique…

·       Je suis dans la pièce, imaginant une sortie, si je peux me dégager.

·       Je suis dans ma famille, que j’appelle, mais qui n’intervient pas. Ils sont là dans ma tête, mais ne font rien.

·       Je suis dans toutes ces odeurs âcres, salées, désagréables.

·       Je suis sur les rideaux des fenêtres où je vois les ombres des passants dans la rue, des voitures. J’entends les bruits de la rue. Je me raconte une histoire supportable, acceptable, m’anesthésiant de la réalité. [EMDR 6 du 31/01/2012]

·       Et, je suis en moi qui ne comprends pas tout ça.

Le jeune revient et me place une main sur le ventre, me portant, me déplaçant et son sexe vient glisser entre mes fessiers. Je secoue les jambes, j’essaie de sauter, d’aller de gauche à droite, mais il me soutient en l’air et je n’ai plus d’appui. L’autre me bloque la tête. Je ne sais pas ce qu’ils font, mais j’ai très peur d’avoir mal. Je ne vois plus rien, n’imagine plus. Je me concentre sur le jeune et appelle à nouveau ma famille avec l’impression d’éclater mes poumons, pourtant aucun son ne sort de ma bouche pleine. [EMDR 5 du 04/01/2012] Je me contracte de partout, mais ça ne change rien.

Une vive douleur dans l’anus, me fait me replier. J’ai réussi à échapper au jeune. Il me lâche. Le vieux aussi semble paniqué ou gêné. Mais ça n’a servi à rien. Ma tête est toujours bloquée. Une main me tire violemment entre les jambes et la douleur dans l’anus revient plus forte, plus aiguë, plus déchirante. J’ai l’impression qu’il va m’arracher comme si j’étais qu’un emballage dont on écarte le plastique pour atteindre ce qui est dedans.

Je me tortille, essaie de donner des coups de pieds, de dégager mes genoux. Je tire sur mes mains. Rien n’y fait. Cette chose entre et cela fait horriblement mal. Quoi que je fasse, je ne peux rien modifier. J’ai ces deux corps étrangers qui sont en moi, que je ne peux pas enlever, que je ne peux pas oublier. Je ressens leurs pensées, mais je ne les comprends pas.

Je n’arrive pas à trouver les mots pour décrire ce que je sens à ce moment. (C’est ce que j’écrivis le 28 août 2011, la séance EMDR 5 du 04/01/2012 va en donner les détails, la psychologue m’ayant obligé à revenir en arrière pour me faire découvrir une impression fugitive qui était passée sur mon visage. Elle m’amenait à voir mon Big-Bang, ou le Syndrome de Stockholm)

Je perdais pied, j’avais espéré m’en sortir et là, j’étais pénétré des deux côtés, embrochés. J’hurlais les noms de toutes les personnes que je connaissais, ma famille, mes voisins, mes professeurs… Personne ne vint, ne répondit, ne fit quelque chose. J’appelais ma chienne Dolie et en dernier recours, mon nounours. Mais ils ne vinrent pas. Je me mis à les haïr tous, mes agresseurs, ma famille, mes voisins, mes professeurs… ma chienne, mon nounours. Les haïr au point de désirer les déchiqueter, les réduire en une bouillie extrêmement fine, rien qu’avec les ongles. Il ne devait strictement rien rester d’eux, ceux qui m’ont abandonné, pas un atome. Cet instant est un abîme où j’aurais aimé être, dans les bras de ma maman, poser ma tête sur elle, tenir la main de mon papa, avoir mon ours contre moi et où aucun d’eux n’a répondu à mes cris silencieux. Cet instant où ils ont disparu de moi, n’étant plus là. Cette violence est tellement forte que je ne peux en supporter son existence et brutalement je tombe dans un abîme, dans un noir absolu, une chute où je n’entends plus aucun de mes rythmes fonctionner. J’ai l’impression d’avoir une sphère, la mienne, ma vie, ma foi, mon monde jusqu’à cet instant, qui implose, lentement, broyant tout, parce qu’ils n’étaient pas là, parce qu’ils m’ont laissé seul avec eux, ne me donnant pas d’autre choix que de me donner à eux pour ne pas être détruit, et par cela même de l’avoir fait. Un dernier sursaut, un dernier espoir avant d’y mourir (je pense que la mort ressemble à cela), je m’accroche à la vie que j’ai là à côté de moi. Eux, les deux prêtres, ils ne m’ont pas abandonné. Ils sont présents et m’ont accueilli. Je tends vers eux. À cet instant, je sens leur plaisir, leur bonheur de me tendre la main, d’être en moi. Je me dois de leur faire plaisir, car eux, ils sont ici avec moi, alors que j’allais mourir. [EMDR 5 du 04/01/2012]

J’ai l’impression d’être comme le steak haché sur lequel je faisais des rails avec ma fourchette. Je ne sais pas ce qui se passe. Je ne comprends pas ce que j’ai fait. Je suis juste venu frapper pour m’abriter de la pluie. Je ne leur ai rien fait. J’ai été poli, gentil. J’ai accepté ce qu’ils m’ont demandé. Mais, là, j’ai mal dans mon corps. J’ai mal partout. J’ai mal à un endroit que je ne peux pas situer. Mes boyaux se tordent. Je me sens seul, personne ne viendra m’aider. Pourquoi mes parents m’ont emmené à eux ? Qu’est ce que je leur ai fait ? Pour mes parents je n’existe pas. Pour moi, progressivement ils n’existent plus, comme ces deux prêtres. La seule chose qui occupe de plus en plus tout mon espace : Pourquoi ?

J’ai l’impression de ne plus avoir de force. Je n’arrive plus à réagir. Pourtant j’ai mal. Mal au ventre, mal au dos, mal dans la bouche, mal aux lèvres, mal au cou, à mes mains, mes bras, au cœur, au fond de moi. Puis, les douleurs disparaissent. Je ne sens plus rien. Il me reste juste cette question : pourquoi ?

Je sors de cet état, à nouveau ma bouche est pleine. À nouveau, j’essaie de déglutir. C’est mieux, ça s’écoule par les lèvres. Ça me colle dessus.

L’autre n’est plus là. Je ressens une douleur lointaine, une envie d’aller aux toilettes, mais lui, je ne le sens plus. Où est-il ? Que va-t-il me faire ? Le vieux me redresse. Mes jambes me lâchent. Je me retrouve au sol. Il se lève, me tire par les mains. Où est le jeune ? Tout se passe au ralenti, je suis tout mou et en même temps léger. Je ne sens presque plus mon corps. Je suis bien et mal, gai et brisé. [CALME 4 du 17/04/2012]

Il me soulève avec difficulté, je suis comme un sac, lourd et mou. Il m’attrape par le ventre et me dépose sur la table. Mon dos rencontre la table. Je me déroule tel une pâte à gâteau. Ma tête vient frapper le bois, mais je ne ressens pas la douleur. Mon corps flasque s’écoule et adhère complètement à la table. Je ne sens pas sa température, mais je sens des mains sur moi. Je tourne la tête lentement. Je suis sur le dos. Mes genoux sont repliés sur moi. Je vois le vieux. Je n’aime pas son regard. Il a les mains posées sur mes jambes. Il n’a plus sa robe de chambre. Il avance lentement vers moi. J’essaie de tourner la tête, de voir l’autre, mais je n’arrive pas à bouger. Elle retombe sur le côté. Je vois juste le vieux qui avance, qui m’écarte les jambes, qui s’approche. Je n’aime pas son sourire. Où est l’autre ? Je veux bouger, je suis en danger, pourquoi ? Mon corps ne répond plus. Je vois, je pense, mais lui ne bouge plus. Mon corps n’est plus à moi. Lui, aussi, m’a abandonné.

Il est très près de moi. Mes jambes sont écartées comme suspendues en l’air. Je veux les rapprocher, les allonger. Elles restent là. Rien de moi ne bouge. Je ne suis qu’une poupée de chiffon. Je le sens entrer en moi, juste parce que mon ventre se serre, mais je ne sens rien. Mon corps semble réagir, il a des contractions ; mon ventre se tord, mais moi, je ne sens rien. Je l’entends me parler plusieurs fois. Ces phrases commencent par un « Tu », mais je ne comprends pas la suite. Je le vois avec un visage de fou, remuer. Son ventre s’éloigne, se rapproche. Il est heureux, il sourit. Je n’ai rien fait de mal, alors, puisqu’il est content ! Je suis heureux alors ! Les autres fois je le voyais avec les autres enfants, il avait un visage fermé, serré, ses sourcils cachant ses yeux avant que sa grosse voix nous fasse baisser la tête.

Là, il sourit. Son visage semble dégagé. C’est moi qui n’ai rien compris. Ce qui est arrivé est normal. Ce bruit au fond de moi qui rejette tout ça a tort. Il a du plaisir. C’est moi qui me trompe.

 [CALME 4 du 17/04/2012] Je sens mon corps passer des omoplates aux fessiers, aller de gauche à droite par alternance. J’ai l’impression d’être un bloc de viande qu’ils vont découper, flasque, oscillant sous la lame. Ma tête roule sur la table. Ma bouche essaie de contenir ce jus gluant et infect, de ne pas l’avaler. J’entends les craquements du bois, le râle des respirations. Je sens la sueur, la peur, une odeur d’algues pourries. Le regard du vieux est celui d’un dément. Je relaisse ma tête tomber, elle roule. Je m’oublie dans le mouvement d’avant en arrière de mon corps avachi. Mes yeux s’attachent aux ombres qui passent sur un des rideaux.

Un rectangle noir reste toujours. Cela doit être une petite affiche collée à la vitre. Les ombres se précisent. Il y a des têtes, des chapeaux. Des personnes s’arrêtent, petites ou grandes. Je les imagine de face, cherchant leurs yeux sur ce tableau d’ombres chinoises, alors que ma tête continue de rouler, d’osciller. Mon corps reste flasque, mouvant, collé à la table. De nombreuses personnes passent, s’arrêtent, repartent. Je pense à elle. Je ne pense qu’à elle. Je les cherche, les appelle, mais elles me laissent et repartent, m’abandonnent aussi.

J’entends les « Tu… » du prêtre, lointain, incertains. La vie est là, juste à côté. Juste derrière ce fin rideau de tissus. Je ne suis qu’un bloc de viande détachée des yeux qui regardent la vie derrière cette mince feuille. Une puissante colère monte en moi, mais ne sort pas. Elle m’écrase. Ils sont là, bien vivants. Là, juste derrière ce rideau et aucun ne ressent mes pensées, aucun ne m’entend espérer en eux. [CALME 4 du 17/04/2012]

Il ne bouge plus. Il a l’air fatigué. Il redevient comme avant. J’espère que je n’ai rien dit ou rien fait qui l’ait blessé. Il s’éloigne. Mes jambes s’affalent toutes seules, violemment, mais je ne sens rien.

Il part sans me regarder. J’ai fait quelque chose qui lui a déplu ? Je vais être puni. J’ai peur d’être découpé. Je cherche le jeune des yeux. Le vieux ne s’intéresse plus à moi. Même pas un regard. À quand ma mise à mort ? [CALME 4 du 17/04/2012]

Le jeune revient, je le vois. Il parle au vieux pendant que ce dernier remet sa robe de chambre. Je n’entends rien, je n’arrive toujours pas à bouger. Le vieux se rassoit dans son fauteuil, l’autre vient vers moi. Peut-être que lui aussi vient chercher le sourire ? Le vieux semble dégoûté. Le jeune me sourit, mais son sourire dégage un tel sadisme que je prends peur. Dans ses yeux, j’ai l’impression d’être la souris que le chat vient juste d’attraper et avec laquelle il va jouer. J’ai l’impression qu’il se nourrit du plaisir très profond de voir ma solitude douloureuse. Il s’approche de moi avec ce sourire. Je lui ai dit des phrases comme : « Ne me fait pas de mal ! », « Je ferai ce que vous voulez, mais ne me faites pas de mal ! ». [EMDR 7 du 16/02/2012]  Il ne me frappa pas avec la main, mais avec des mots, des phrases telles que : « C’est toi qui es venu frapper à notre porte. Nous t’avons accueilli. Nous avons séché tes vêtements. Nous t’avons aidé, réchauffé. C’est toi qui t’es déshabillé. C’est toi qui nous as donné envie et qui nous as acceptés. » Tout cela fut dit avec un visage rayonnant, me tendant la main pour m’aider à me relever de la table. [EMDR 8 du 08/03/2012]

Il me prend la main. C’était gentil de sa part. Il m’aide à me relever. Il me soutient, car je n’arrive pas à prendre appui sur mes jambes. Elles lâchent. Il m’assoit sur le bord de la table et ramasse la couverture. Je retombe mollement et lourdement sur la table, ma tête heurtant sèchement le bois. Il me rassoit et tout en me tenant, il me pose la couverture sur les épaules. [CALME 4 du 17/04/2012]  Je voudrais le remercier. Je le regarde, mais je n’arrive pas à bouger les lèvres. Rien ne sort de ma bouche. Je ne peux pas parler et mes larmes coulent de déception. Je n’arrive toujours pas à bouger un seul doigt. Mon ventre se tortille. Mes reins me font mal. J’ai envie d’aller aux toilettes rapidement, mais rien ne bouge et je ne peux le dire.

Le jeune prêtre s’approche de moi et me prend dans ses bras. Il me porte. Le vieux est dans son fauteuil. Il ne me regarde même pas. Qu’est-ce que je lui ai fait ? J’ai dû le blesser. Le jeune me porte, c’est agréable. Je n’arrive toujours pas à bouger.

Il me pose sur le banc, allonge mes jambes et dépose quelque chose de mou sous ma tête. Mon corps est tout mou, il épouse le banc. Je laisse ma tête tourner de côté et observer le rideau. [CALME 4 du 17/04/2012]  Le prêtre me passe une main pleine de tendresse dans les cheveux. Je le regarde. Je sais que je pleure et je voudrais le remercier, mais mes yeux se ferment et je ne peux toujours pas bouger. Je rouvre les yeux, regardant les ombres passer, s’arrêter repartir sur la mince pellicule de tissus qui me sépare de la vie. Eux d’un côté et moi de l’autre. Je les vois, ils ne me voient pas. [CALME 4 du 17/04/2012] 

Je suis totalement immobile. Mes membres lourds ne répondent plus, ma tête ne pense plus. J’ai l’impression d’un silence de corps et de tête. Je suis dans une détente telle que je n’ai plus l’impression d’avoir de corps, ni de douleur. Aucune idée ne passe, ni de ce que j’étais, ni de ce que j’ai vécu, ni de ce que je vis, ni d’après. Il n’y a pas d’après, pas de maintenant et plus d’hier. Juste des voix qui arrivent à mes oreilles. Des voix qui sont calmes, paisibles qui vaquent à leurs occupations. . [CALME 2 du 14/04/2012]  Mais progressivement certaines phrases, commençant par « Tu… », me laissent une impression dérangeante, douloureuse, culpabilisante. Je me sens prisonnier dans ce sommeil qui n’en est pas un, de leurs mots. Brisé, broyé, enfermé, les « Tu… » deviennent l’enveloppe qu’une araignée fait aux proies qu’elle désire conserver, pour s’en nourrir plus tard. Puis le silence retombe, lourd et angoissant. . [CALME 3 du 16/04/2012] 

[TCC 1 du 22/07/2012] Mon corps ne m’appartient plus. Je ne peux absolument pas bouger. Je me vois figé, telle une statue couchée. Progressivement, je ressens des douleurs qui reviennent, coudes, poignets, doigts, épaules, hanches, genoux, chevilles, surtout du côté droit. Ce sont des douleurs comme si quelque chose m’avait cogné à tous ces endroits. Les muscles me font mal, comme s’ils avaient été tirés, saisis, mais ne bougent pas.

Dans cette impression de corps progressivement douloureux, je ne vois pas le vieux prêtre qui semble assis dans son fauteuil. Cela m’angoisse, l’impression que tout n’est pas fini. Je ne vois plus le jeune non plus.

Je ne peux toujours pas bouger, pas me lever, pas fuir. Une angoisse morbide me prend, m’aspire, m’avale. J’ai peur d’être découpé, d’être mangé, de ne revoir jamais plus personne, de partir sans avoir dit au revoir. (L’émotion est violente et puissante. Elle est doublement tournée sur moi et me paralyse la gorge.) {Les fantasmes jusqu’ici remontant après la nuit étaient toujours liés à une pendaison par le cou ou les pieds, l’impression d’aller être vidé de mes organes et de devoir servir de repas. L’émotion se situait toujours là où la peur et sa douleur sont tellement fortes qu’il y a lâcher et acceptation totale.}.

Je pense avoir vu le jeune prêtre revenir avec un grand couteau et peut-être quelque chose de suspendu. [TCC 1 du 22/07/2012]

[TCC 2 du 24/07/2012] Le jeune prêtre fait plusieurs entrées/sorties et rapporte une sorte de jambon suspendu à une potence de table en bois et un long couteau.

Alors qu’il découpe et déguste ses tranches de jambon qu’il a découpées, il me regarde. Ses yeux ne me quittent pas. J’y vois dedans l’impression que mon instant est arrivé. Ma peur, mon angoisse atteignent un paroxysme puis c’est mon acceptation. Je n’y peux rien, je ne peux pas bouger.

Chaque fois que son regard me lâche, c’est comme un abandon. Je ne suis plus rien, je n’existe plus. Je ne vois que ce jambon qui est découpé, lentement, et je me vois à sa place (dans le 2e film du seigneur des anneaux, la scène avec le régent qui bouffe en croquant ses tomates pendant que ses chevaliers se font massacrer m’avait toujours fait horreur et profondément écoeuré.).

Décrire cette alternance du regard du prêtre n’est pas simple. Tel que je l’ai ressenti :

·      Pour lui, lorsqu’il découpait, il ne s’occupait plus de moi. Lorsqu’il mangeait, il me dévisageait, me fixait ave un regard comparatif, dépréciatif, dévalorisant, dégradant. J’étais moins que la nourriture qu’il avalait. Il n’y avait pas de dégoût, c’était comme « s’il n’avait rien à bouffer, je serai la dernière chose qu’il prendrait. » De toute façon dans ses yeux, je n’étais pas humain, même pas animal. Juste quelque chose de mangeable, mais qu’il n’aimait pas.

Dans ses yeux, je n’étais qu’une charogne, une carcasse devenue quasiment inutile.

·       Pour moi, lorsque son regard se posait sur moi, je sentais ma peur grandir, la peur de souffrir, d’avoir encore plus mal que ce que je vivais sur l’instant. Je ne quittais pas le couteau des yeux. L’instant allait arriver. Chacun de ses mouvements augmentait ma tension jusqu’à ce que la douleur interne soit totalement insupportable. Je fermais alors les yeux, acceptant ce qui allait arriver.

Lorsque son regard me quittait, je le ressentais comme un poids écrasant qui part. C’était brutalement le soulagement, je vivais. Mais rapidement, je n’étais plus sur l’instant d’une fin, d’une découpe, mais sur l’angoisse de la fois d’après, de lorsqu’il allait revenir. J’imaginais le pire, l’horreur et celle-ci arrivaient avec son regard.

J’étais un éternel condamné à mort dont la technique destructrice changeait à chaque fois. J’étais condamné à revivre à chacune de ses bouchées, un tourment imaginaire de plus en plus horrible et sadique dans lequel je devais m’abandonner sans jamais être totalement détruit.

Ce retour de mémoire me laissa l’impression d’une corde totalement usée. L’impression que chaque effort pour m’en sortir sera voué à l’échec. Quoi que je fasse, je serai totalement détruit. Cette impression est toujours en moi actuellement.

Je vais essayer de mettre sous la forme d’un graphique, l’impression globale difficile à décrire pour l’instant.

Je ferme les yeux, m’abandonnant quelque qu’en soit la suite. J’ai l’impression d’avoir usé la totalité de mes ressources. [TCC 2 du 24/07/2012] 

Lorsque j’ouvre les yeux, le jeune venait d’entrer dans la pièce, il fermait la porte, le vieux écrivant sur la table (C’est le dessin du 04/06/2011). Ils me disent que je devrais rentrer chez moi, que mes vêtements sont secs. Je me lève, m’habille. J’ai une impression bizarre, mais je ne sais plus pourquoi. Je les remercie et je sors. Ils m’ont parlé, dis plein de choses, mais je ne m’en souviens pas. Je me revois juste sur le trottoir. Il ne pleut pas, la porte est refermée et j’essaie de me rappeler où je dois aller.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté sur ce trottoir, mais je ne savais pas pourquoi j’étais là. Je n’arrivais plus à trouver comment aller chez moi. Je n’arrivais plus à savoir que j’avais un chez-moi.

[CALME 1 du 03/04/2012]  J’ai pris des rues au hasard, marchant hagard, vide de pensée. Je marchais. J’avais mal. Je changeais de direction. Je finis par me perdre. Je ne savais plus où j’étais. Une peur panique m’envahit. Je n’arrivais plus à trouver mon chez-moi, mon abri et en même temps une autre peur venait : qu’allais-je dire ? Expliquer ? Je courais dans les rues sans vraiment savoir si c’était pour aller chez moi ou pour fuir, ou les deux. J’étais effrayé et déchiré, le soir arrivait. Je suis arrivé devant chez moi, fatigué, effrayé et le ventre déchiré d’oser entrer.

Après je ne sais pas ??? [CALME 1 du 03/04/2012] 

 

IV – Et après, août 2011

La première séance d’EMDR du 26/09/2011 montrera qu’une sorte de spectre vert clair « désir d’y survivre » y subsistera, mais sera totalement broyée lors du mois de colonie de « vacances » à 14 ans.

Ma mère m’a dit en revenant sur mes souvenirs :

·       Qu’à partir de 10 ans j’ai fait des crises de colère extrêmement violentes orientées contre mon père.

·       Je ne voulais plus aller au catéchisme et à l’église. Mes parents m’ont forcé à continuer, en me précisant que l’on finit ce qui a été commencé.

·       Durant 6 mois, à la demande des prêtres de la paroisse, un prêtre ouvrier vietnamien est venu à la maison - ou j’allais chez lui - me donner des cours particuliers de rattrapage du catéchisme.

·       Une psychologue scolaire voulait voir mon père, mais celui-ci ne désira pas la rencontrer, et cela s’est arrêté là.

[EMDR 9 du 29/03/2012] image revenue en séance : À gauche je voyais les prêtres, à droite mes parents, surtout ma mère. Il y a échange entre eux et je suis vu comme un affabulateur, un menteur. Personne ne veut me croire. J’en arrive à croire que je mens, que j’imagine des histoires. J’avais le désir de mourir, de me détruire. Ce désir fut compensé par une imagination débordante, une créativité permanente.

[Expérience 1 du 25/10/2012, relation aux autorités] souvenir revenu après : Mes parents sont avec le vieux prêtre et un autre que je ne reconnais pas. Mes parents me lancent des regards désagréables et culpabilisateurs. Les prêtres leur expliquent que je n’ai pas un comportement normal, que je les agresse verbalement. Ils demandent à ce que je suive le cours de catéchisme avec un autre prêtre qui viendra à domicile. Je baisse la tête et ne régis plus. Je ressens tous les regards m’écraser, me considérer comme un enfant désagréable et agressif. Je vois dans le regard de mes parents de la déception. Je sais que tout cela est injuste et que ce n’est pas moi l’anormalité, mais je ne dis rien et ne réagit pas. J’accepte sans broncher ce que l’on me dit. J’accepte ma condamnation en baissant les yeux, ne conservant que l’ouïe pour suivre ce qui se passe.

 

 

V – Et la communion eut lieu, CALME 7, 22/04/2012

        

Je suis sur le parvis de l’église, habillé d’une longue robe blanche et d’une grande croix de bois. Je ne suis pas heureux, pourtant ma famille m’accompagne. Je fais ma communion.

J’entre avec mon frère et ma mère. Je rejoins un groupe de garçons. Mon regard est rivé au sol. Il le restera jusqu’à ce que nous allions communier.

J’entends le prêtre psalmodier, je lève la tête vers lui. Je vois son horrible corps défiler des pieds à la tête à travers le rideau flou de mes larmes. Son regard est d’une sévérité effrayante. Je me tasse sur moi-même, mais ne le quitte pas des yeux. Si quelqu’un était présent, je pense qu’il aurait vu défiler dans mon regard le double film de mon horreur.

Le prêtre ne sembla pas dérangé. Son regard ne quitta pas le mien durant ses gestes. Il essaie de m’écraser, de me broyer, mais je tiens. Je sens de grosses gouttes déborder de mes paupières et tomber sur ma robe immaculée en apparence.

Il me donne l’hostie, mais comme s’il voulait la retenir. Son regard est plein de reproches. Je suis le fils du démon à qui il doit donner l’hostie. Je vois dans ses yeux que s’il pouvait me tuer, il le ferait. Je sens l’hostie dans ma bouche, sa main la retirer, son regard me délester. Il bouge, s’éloigne.

J’avale ce que j’aurai voulu recracher, ferme les yeux, baisse la tête et laisse en silence déborder ma douleur, mon regard, derrière ses rideaux de peau recherchant à nouveau le sol.

Je me revois sur le parvis pour la série de photos avec la famille. Aucun plaisir d’être là. Juste une douleur, celle d’avoir été à nouveau sali, rejeté, voire détruit. Je sens en moi une violente colère, le temps n’ayant pas amélioré la compréhension du prêtre.  [CALME 7 du 22/04/2012]

 

Suite à ma communion, mon jeune frère dira à mes parents, moi, je ne veux pas la faire. Il avait compris que ce qui était commencé serait fini coûte que coûte.

 

VI – Et les jours, semaines suivantes, 10 décembre 2011

Par rapport à tout ce que j’avais lu, je pensai que moi, l’enfant, je n’avais rien dit par rapport aux actes qui avaient eu lieu à cause de la honte de parler de ceux-ci, encore paralysé par leurs violences douçâtres et de leur irréalité. C’est possible, car, si j’avais dû le dire, je ne sais pas comment j’aurai pu décrire des actes qui m’étaient totalement inconnus ; comment j’aurai pu expliquer qu’un autre, qu’un humain puisse pénétrer, physiquement, aussi profond dans un corps, le mien, faire autant souffrir avec le sourire, trouver un réel plaisir dans mon supplice ; comment j’aurai pu justifier que mon corps, m’abandonnant y avait réagi, y trouvant une sorte de satisfaction totalement écœurante, qu’il venait lui aussi, de me laisser et de me trahir.

Si j’avais pu essayer de le dire, trouver des mots ou des gestes, dépassant cet inadmissible, il aurait fallu que j’avoue que j’avais renié, ma mère, mon père, mes frères, mes grands-parents, mon chien et mon nounours. Répudié comme des êtres abjects que je ne voulais plus voir près de moi. Je les avais appelés, hurlé leur nom, et dans cet instant où j’avais vraiment besoin qu’ils viennent, aucun d’eux n’a daigné s’approcher. Dans cet instant, avant de sombrer, seul, je les avais arrachés à mon corps, comme une peau tranchée devenue inutile, ne faisant plus son office, ne protégeant plus de rien.

Je n’aurai jamais pu exprimer : J’ai besoin de vous, on m’a fait du mal, mais avant il faut que vous sachiez que je vous ai totalement éjectés de mes pensées, envoyés aux antipodes, haïs.

Ce dire-là était tout simplement impossible, je ne voulais surtout pas les perdre à nouveau alors que je les avais retrouvés, moi et eux vivants. Garder pour moi cette horreur était moins grave que de risquer de les perdre encore et peut-être définitivement.

C’est pour cela que durant de très nombreux soirs, il y a 44 ans, avant de m’endormir, je prenais mon nounours dans mes deux mains, sans l’étouffer, l’amenant face à mon visage, bras étendus, pour uniquement le regarder, laissant mes larmes glisser sur mes joues. Il était là, ils étaient là, c’est tout ce qui comptait. Le reste, je devais l’oublier. Ils ne devront jamais savoir. Je les aimais et que ce jour, où, pendant quelques secondes qui disparaîtront sur une vie, je les avais haïs, détestés, maudits, n’avait jamais existé. J’amenais ma peluche, ce petit ourson brun rapiécé contre mon cœur, le couvrant de mes mains. Il ne devait pas en voir plus dans mes yeux : je l’aimais cela suffira. [EMDR 5 du 04/01/2012]

Avant de dormir : je tenais mon nounours dans mes mains, je m’appuyais sur lui, mais à aucun moment, je n’osais lui raconter ce que j’ai vécu, ressenti. J’avais honte d’en parler à mon nounours. Je savais que je l’avais haï et désiré le détruire totalement. Il ne comprendrait pas que je l’aimais, comme pour ma famille. Il est impossible de dire à l’autre je t’aime après avoir voulu le réduire en bouillie. Alors je le touchais, je le regardais, les larmes aux yeux. Je m’allongeais et l’appuyais contre mon visage. C’était le silence total. LUI, AUSSI, NE SAURA RIEN.

La nuit : Ne pas dormir, rester dans un état entre éveil et sommeil, sans idée ou en guidant en permanence ses idées, ses pensées. Un état vide ou trop plein, mais où il faut quand même récupérer. Des petites phases de sommeil profond survenaient et les réveils étaient assurés par les larmes qui s’écoulaient suivies immédiatement par NE PAS DORMIR, NE PAS PENSER.

Dans la journée : C’est faire, faire, faire…. Ne pas arrêter de faire. M’oublier et faire. Être occupé, sans arrêt. Ne pas laisser d’espace et de temps aux pensées. Faire pour les autres était ma priorité, éviter de faire pour moi.

M’intéresser à moi, c’est retourner dans l’enfer, le revivre, le revoir, l’attirer. De toute façon, un objet, un utilitaire, un tas de viande ne peut rien offrir à lui-même. Il n’est pas vivant. J’étais déjà mort pour moi.

Je n’étais pas mort pour les autres et cela m’aidera à repartir … jusqu’à 14 ans.

[EMDR 5 du 04/01/2012], [EMDR 6 du 31/01/2012], [EMDR 7 du 16/02/2012] , [EMDR 9 du 29/03/2012] Séances EMDR avec une psychologue

[CALME 1 du 03/04/2012] revenue lors de la panique sur le trajet allant au CALME

[CALME 2 du 14/04/2012], [CALME 3 du 16/04/2012] revenu lors des séances de SOMA (relaxation)

[CALME 4 du 17/04/2012] revenu dans la nuit du 16 au 17, suite à une réaction face à un psychologue

[CALME 7, 22/04/2012] revenu dans la nuit du dimanche 22 avril 2012 suite à la visite de l’église du village

[TCC 1, 22/07/2012] revenu lors d’un exercice d’enracinement (posture de l’arbre)

[TCC 2, 24/07/2012] revenu lors d’exercices d’enracinement (postures de l’arbre)

 [Expérience 1 du 25/10/2012] souvenir revenu après une relation forte face à des « autorités ».

[Social 1, décembre 2012] souvenir et impression remontés dans une sorte de régression lors d’un échange normal avec mes collègues

 

VII – Des traces dessinées, 23 ans après, septembre 1990

Le combat du soi et du moi (14/09/90 : 14 h)

L’aigle a toujours été mon animal préféré (à l’abri sur les hauteurs, loin du monde). Il était uniquement sur 2 pastels pour 37 réalisés à cette époque. 

 

Format A4, pastels secs, réalisés rapidement.

 

La sublimation en difficulté (15/09/90 : 11 h)

 

Voir ces pastels parmi tous ceux réalisés lors de la thérapie de 1990

 

VIII - Comment est revenue la mémoire (ajout du 27 mai 2012)

Cette partie est commune aux évènements à 10 ans et à 14 ans.

Pour voir ce chapitre cliquer ici.

 

      Pour me contacter :